Angèle Makombo: Présidente de la LIDEC |
Angèle
Makombo, leader du parti politique, la Ligue des Démocrates Congolais (LIDEC),
déplore la sous-représentation des femmes dans le Gouvernement pléthorique de
Samy Badibanga, soulignant qu'au lieu de progresser sur la question importante
de la parité homme-femme, la RDC régresse. Elle estime que les dirigeants
congolais refusent délibérément de s'engager en faveur de la promotion de la
femme, et égratigne, au passage, Vital Kamerhe pour n'avoir pas soutenu les
femmes jusqu'au bout. 8 femmes sur 67 ministres, soit 12% : au lieu de
progresser sur « le chantier important de la parité homme-femme », la RDC
régresse. Voici l’analyse d’Angèle Makombo sur ce sujet :
Nous
sommes loin des fameux 30%, loin de l'Article 14 de notre Constitution relatif
à la parité,
Rwanda:" le bon élève de la parité" |
loin de la Résolution 1325 du Conseil de sécurité de l'ONU sur la
femme, la paix et la sécurité, et surtout très loin du discours prometteur du
Président Kabila sur l'état de la nation devant le Congrès le 15 décembre 2014.
Il déclarait notamment: « Concernant le chantier important de la parité
homme-femme, et de la place de celle-ci dans nos institutions, notre
performance demeure insatisfaisante. Aucune raison, aucun prétexte ne peut le justifier.
La femme congolaise, majoritaire dans notre société, mérite plus et mieux.
Victime de l'injustice pendant longtemps, elle a droit à bénéficier de mesures
correctives. Dans cette optique, le Parlement, le Gouvernement et les partis
politiques sont invités à prendre, chacun à son niveau, toutes les dispositions
qui s'imposent pour que nous puissions arriver à une représentation plus
équitable des femmes. »
Rwanda: Élues locales, exemple à suivre |
Nous
demeurons dans une représentation INEQUITABLE des femmes. Au lieu de progresser
sur « le chantier important de la parité homme-femme », nous régressons. Le
Gouvernement Matata II comptait 48 membres dont 7 femmes (3 ministres, 4
vice-ministres), soit environ 15% de femmes, mais aucune femme avec un
ministère régalien; le Gouvernement Badibanga qui, avec ses 67 membres, bat le
record en RDC en matière de taille du gouvernement, ne compte que 12% de
femmes, toujours aucune avec un ministère régalien. Cette sous-représentation
féminine place notre pays parmi les derniers de la classe en matière de parité
homme-femme dans notre sous-région de l'Afrique centrale. Le Rwanda par
exemple, est depuis de longues années un champion en la matière ; un autre
exemple, le Gabon, qui pourtant traverse aussi une crise politique, mais a
décidé de rejoindre le peloton des gouvernements « genrés » avec 30% de femmes
dans son gouvernement actuel, soit 12 femmes sur 40 ministres. Est-ce à dire
que les femmes rwandaises ou gabonaises sont plus « intelligentes » que les
femmes congolaises ? Non, sûrement pas, c'est plutôt les dirigeants rwandais ou
gabonais qui font preuve de volonté politique et de volontarisme en décidant
résolument de favoriser, envers et contre tout, l'émergence des femmes.
Les 67
membres du nouveau Gouvernement accepteraient-ils une réduction de leurs frais
d'installation et émoluments, dans un élan de solidarité nationale?
S'agissant
du record inquiétant du Gouvernement Badibanga en matière d'effectif avec ses
Président Ali Bongo Odimba Photo Overblog |
67 membres, d'aucuns sont préoccupés par les conséquences budgétivores que
l'exécutif aura sur un budget national déjà amoindri. Car c'est autant de fonds
alloués aux frais d'installation et émoluments des nouveaux ministres qui ne
pourront pas être consacrés à l'amélioration du social des populations. Or le
social constitue l'une priorités du programme du nouveau gouvernement. Peut-on
alors imaginer de demander à nos ministres d'accepter, dans un élan de
solidarité nationale, de voir leurs frais d'installation, émoluments et autres,
réduits d'un certain pourcentage ? Il y a eu des précédents ailleurs, au
Nigeria ou en France par exemple. Ce serait un signal social fort.
Les femmes congolaises et Vital Kamerhe
Pour en
revenir à Vital Kamerhe, cité plus haut, les femmes se souviendront que bien
qu'il ait plaidé auprès du Facilitateur Edem Kodjo, pour une meilleure
représentation des femmes au Dialogue politique1, il n'a inclus, aux
discussions directes de la Conférence épiscopale congolaise (CENCO), aucune
femme de l'opposition parmi les délégués signataires de l'Accord politique du
18 octobre. En outre, aucune femme de son parti n'est ministre dans le nouveau
gouvernement ; mais plusieurs hommes membres de l'UNC ou proches de Vital
Kamerhe le sont. La dizaine de femmes de la composante opposition à la Cité de
l'Union africaine ont contribué à crédibiliser la co-modération de Vital
Kamerhe, mais en échange, elles ont été roulées dans la farine !
Refus
délibéré de nos dirigeants de s'engager résolument en faveur de la promotion de
la femme
J'étais
loin de m'imaginer que deux ans après mon article intitulé « Parité malmenée en
RDC - Femmes: grandes perdantes du Gouvernement de cohésion nationale » paru
dans le quotidien kinois La Prospérité du 9 décembre 2014, suite à la formation
du Gouvernement Matata II, je me retrouverai à écrire sur le même sujet aujourd'hui.
En fait, j'aurais juste pu faire un copier-coller ! Faire aussi un
copier-coller de mon interview avec le magazine panafricain Les Afriques,
publiée le15 décembre 2014 et intitulée « Un gouvernement pléthorique faisant
fi de la parité ».
Je cherche
à comprendre les raisons du refus délibéré de nos dirigeants de s'engager
résolument en faveur de la promotion de la femme. Pour justifier l'immobilisme
des autorités congolaises à nommer des femmes capables à des postes de prise de
décision, la gente masculine congolaise invoque souvent l'absence de «
méritocratie » des femmes congolaises, comme si seuls les hommes faisaient
partie de cette méritocratie. A ce propos, j'aime citer l'Ambassadeure du
Canada en RDC, Mme Ginette Martin, qui avait déclaré : « les femmes capables ne
manquent pas en RDC, ce sont des hommes capables de les écouter qui font défaut
». Et puis, on nous avait promis des personnes compétentes, rigoureuses et
intègres au sein du nouveau gouvernement. Hélas, ce n'est pas le cas pour certains
ministres !
J'ai
décelé d'autres raisons invoquées pour justifier la sous-représentation des
femmes dans
"Égalité homme/femme Photo Politika |
le gouvernement dans un article de Zabulon Kafubu, intitulé «
Gouvernement Badibanga : les femmes sous-représentées et figurantes. 8 sur 67
ministres au lieu de 20 », et posté le 20 décembre dernier sur le site
7sur7.cd. Dans sa conclusion, Kafubu souligne : « Aucune femme Vice-premier
ministre ni ministre d'État. Pas de femme non plus aux ministères régaliens et
stratégiques. Le premier ministre Samy Badibanga n'est pas à blâmer. Ce sont
les femmes qui sont à plaindre. Elles doivent s'engager davantage dans la
politique afin de peser sur les décisions. De toutes les femmes nommées au
gouvernement, il n'y a pas de poids lourds politiques. Réalisme politique
oblige, elles se contenteront des miettes. C'est par leur mérite qu'elles
s'imposeront et non à cause de leur féminité. Vive la parité! »
Réagissant
à l'article de Kafubu, un internaute a traité les femmes politiques de « femme
canapé » ; d'autres ont reproché aux femmes leur manque de compétitivité, de
stratégie, de dynamisme, de mobilisation sur le terrain. Un autre encore a fait
valoir que « La parité homme-femme n'est pas un cadeau pour les femmes. C'est
un pari à gagner pour elles et par elles. »
Un Congo
plus beau qu'avant « n'arrivera que lorsque, entre autres, les femmes seront
pleinement représentées à tous les niveaux »
Oui la
parité n'est pas un cadeau. Oui les femmes congolaises doivent s'engager plus
en politique, c'est d'ailleurs mon credo en tant que Présidente nationale du
parti politique de l'opposition, la Ligue des Démocrates Congolais (LIDEC). Et
s'engager plus en politique signifie prendre le temps de s'informer et se
former, se documenter, s'impliquer à la base, appréhender les préoccupations
des populations, faire des analyses sur les enjeux de l'heure, prendre position
sur ces enjeux et oser prendre la parole publiquement pour dire sa position.
Mais il appartient aussi aux dirigeants de notre pays d'être respectueux de leurs
engagements nationaux et internationaux visant à réduire les inégalités entre
les hommes et les femmes et d'avoir réellement une vision audacieuse d'un Congo
plus beau qu'avant qui « n'arrivera que lorsque, entre autres, les femmes
seront pleinement représentées à tous les niveaux ».
Angèle
MAKOMBO
Présidente
Nationale de la Ligue des Démocrates Congolais (LIDEC)
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