15-12-2014
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Interview d’Angèle Makombo, présidente nationale de la Ligue des
démocrates congolais (Lidec), membre du Conseil économique et social de la
RDC, dans laquelle, elle relate, entre autres, un gouvernement d’union
nationale, pléthorique qui a été trop attendu, qui a ignoré le concept genre,
ainsi que la géopolitique de la RDC, le fait que son pays ne réalise aucun
des OMD à un an de 2015, …
Angèle Makombo,
présidente nationale de la Ligue des démocrates congolais (Lidec), membre du
Conseil économique et social de la RDC
Les Afriques : Après une année d’attente, le gouvernement de
cohésion nationale, issu des concertations nationales, a été rendu public le
7 décembre dernier. Quel est votre commentaire?
Angèle Makombo : Le gouvernement de cohésion nationale s’est
fait attendre, trop attendre au point de provoquer un ralentissement des
activités économiques dans le pays. Cela dit, il y aurait beaucoup de
commentaires à faire, mais je me limiterais à quelques-uns. D’abord, c’est un
gouvernement qui va coûter cher aux contribuables et à l’État congolais, car
il est pléthorique avec 47 membres, dont 3 vice-Premiers ministres, 2
ministres d’État, 32 ministres et 10 vice-ministres.
Ensuite,
je déplore – et j’ai déjà eu à le dire et l’écrire – que ce gouvernement ne
compte que 7 femmes, soit à peine 15% de femmes, ce qui est une violation de
notre Constitution. En effet, l’article 14 de notre Loi fondamentale stipule
que «La femme a droit à une représentation équitable au sein des institutions
nationales, provinciales et locales. L’État garantit la mise en œuvre de la
parité homme-femme dans lesdites institutions». En plus, à l’issue des
concertations nationales, le président Kabila semblait afficher la volonté de
promouvoir la participation politique des femmes. Or aujourd’hui, nous sommes
loin des 30% promis !
Parmi
les 7 femmes dans le gouvernement, il y a trois ministres et 4
vice-ministres. Aucun ministère régalien n’est octroyé à une femme, et c’est
d’ailleurs une régression, par rapport au précédent gouvernement, dans lequel
le ministère de la Justice était décerné à une femme. La plupart des femmes
congolaises sont déçues et indignées de la manière dont la parité homme-femme
est malmenée en RDC, alors que dans de nombreux pays au monde, y compris dans
notre sous-région de l’Afrique centrale, un nombre significatif de femmes
sont représentées à tous les niveaux de prise de décision.
Et
puis, je suis étonnée de l’omission des affaires sociales. Pourquoi n’y
a-t-il pas de ministre des Affaires sociales dans le nouveau gouvernement ?
C’est incompréhensible étant donné la demande sociale criante dans notre
pays.
C’est
aussi un gouvernement où la «géopolitique», comme nous aimons à le dire au
Congo, ne semble pas avoir été prise en compte. En effet, de nombreux
Congolais regrettent que les 11 grandes provinces que compte la RDC ne soient
pas représentées de façon équitable dans le nouveau gouvernement. Deux
provinces par exemple, à savoir le Katanga et le Bandundu, ont décroché la
part du lion, obtenant de nombreux portefeuilles ministériels et non des
moindres, alors que le Bas-Congo estime ne pas être représenté au
gouvernement. D’où des frustrations, déjà perceptibles, qui risquent de
mettre à mal la cohésion nationale, tant recherchée.
Que représente pour vous la présence de 7 membres issus de
l’opposition au sein de ce nouveau gouvernement?
La
participation de l’opposition dans le nouveau gouvernement est une suite
logique des concertations nationales auxquelles j’avais d’ailleurs participé
activement en tant que membre de l’opposition et leader de mon parti
politique, la Ligue des Démocrates Congolais (Ndlr : Lidec). Cette suite
logique implique la mise en œuvre des recommandations des concertations
nationales, parmi lesquelles figurait la formation d’un gouvernement de
cohésion nationale auquel devaient prendre part la majorité, l’opposition et
la société civile. À propos, d’où vient le chiffre de 7 membres de
l’opposition que les médias internationaux semblent avoir repris presque à
l’unisson? L’opposition, à savoir l’opposition dite républicaine (Ndlr :
O.R), le MLC et leurs alliés, compte, à ma connaissance, plus d’une quinzaine
de membres dans le nouveau gouvernement.
Dites-nous, Madame, comment se porte la RDC actuellement ?
Compte
tenu de nos énormes richesses naturelles et autres potentialités, ainsi que
notre force démographique, le dynamisme et l’ingéniosité de nos populations,
surtout les jeunes, la RDC devrait mieux se porter. Malheureusement, ce n’est
pas encore le cas. A cet égard, il est paradoxal et affligeant qu’un pays
doté de tant de richesses comme le nôtre ait 75% de sa population vivant dans
une extrême pauvreté. Avec tous les indicateurs de développement humain au
plus bas, la RDC est classée 186ème sur 187 pays pour l’Indice de
développement humain (IDH) 2014.
Toutefois,
je reconnais que des progrès non négligeables ont été réalisés, notamment en
matière de paix et de sécurité, avec la réunification du pays et la fin de la
guerre, et dans le domaine économique, avec les résultats macroéconomiques
positifs que nous connaissons. Mais le revers de la médaille, c’est notamment
la terreur et les massacres de nos populations ainsi que les viols massifs
des femmes et même des enfants qui perdurent surtout à l’est du pays. C’est
la lenteur de la mise en œuvre de la réforme du secteur de sécurité. C’est
l’absence de l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire. C’est la
persistance d’une corruption endémique et d’une mauvaise gouvernance dans les
finances publiques et nos secteurs productifs. C’est l’insuffisance des infrastructures
routières et sociales. C’est l’état calamiteux des routes de desserte
agricole. C’est un déficit social énorme et une pauvreté criante de nos
populations. C’est aussi une parité homme-femme malmenée, comme j’ai déjà eu
à le dire. Comme vous le savez, 2015 marquera la date butoir pour la
réalisation des huit Objectifs du millénaire pour le développement (OMD)
fixés en 2000. Malheureusement, selon d’ailleurs notre Ministère du Plan,
aucun des OMD ne sera réalisé par la RDC à cette date butoir.
La RDC affiche un taux de croissance de 9%, n’est-ce pas le
signe d’une reprise de l’activité économique du géant de la région?
Certainement,
c’est un signe d’une reprise de l’activité économique de la RDC, mais «on ne
mange pas la croissance», comme disent certains de mes compatriotes. Cette
croissance à 9% tirée essentiellement par la dynamique du secteur minier, peu
créateur d’emplois, ne profite pas à la population. Aussi, cette croissance
ne suffit pas à elle seule à réduire la pauvreté et à baisser le chômage,
dont le taux est parmi les plus élevés d’Afrique, soit plus de 50% de la
population active. Or, quelle est la finalité ultime de l’économie sinon
d’assurer le bien-être des populations?
Nous sommes à deux ans de la fin du mandat constitutionnel de
Joseph Kabila. Quel regard portez-vous sur son bilan à la tête de la
RDC?
Des
progrès ont été réalisés, c’est indéniable et je viens d’en parler, mais je
suis convaincue que la RDC aurait pu mieux faire et faire moins lentement,
compte tenu des atouts majeurs que possède notre pays.
Êtes-vous pour ou contre la modification de l’article 220 pour
permettre à Joseph Kabila de remplir un 3ème mandat?
Je
suis pour le respect de la Constitution, toute la Constitution, rien que la
Constitution. Pas de modification de l’article 220.
Comment analysez-vous les propos de François Hollande et de
Barack Obama qui appellent les chefs d’État Africains, en fin de mandat, à
respecter leurs Constitutions respectives?
Ma
position sur cette question est claire, comme je viens de vous le dire. Pas
de révision constitutionnelle pour modifier la durée du mandat présidentiel.
J’ai d’ailleurs eu à réaffirmer ma position au cours de la table ronde sur
les révisions constitutionnelles sur les deux rives du fleuve Congo,
organisée en marge du Sommet États-Unis/Afrique, à Washington en août 2014.
Les propos des présidents Obama et Hollande ne disent pas autre chose.
Quelle est la position de votre formation politique sur la
question du calendrier électoral et du changement du mode de scrutin de
désignation du président de la République?
Mon
parti la Ligue des démocrates congolais (Lidec) exhorte la Commission
électorale nationale indépendante (CENI) à élaborer et publier le plus
rapidement possible un calendrier global et consensuel pour fixer l’opinion
congolaise et permettre, entre autres, à nos partenaires de lever des options
appropriées pour nous appuyer dans l’organisation d’élections libres,
transparentes et crédibles. Quant au mode de scrutin pour la désignation du
président de la République. Encore une fois, je suis pour le respect de la
Constitution qui, dans son article 70, stipule que «le président de la
République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans
renouvelable une seule fois».
En termes de projet politique, quelle alternative proposez-vous
à la RDC?
Nous
voulons bâtir «un pays plus beau qu’avant» où régneront la paix et la
sécurité, l’Etat de droit et la démocratie, la bonne gouvernance, la justice
sociale, la lutte contre la corruption, moins de pauvreté et de faim, et où
la santé, l’éducation, le développement de l’agriculture, l’eau et
l’électricité, seront réellement des priorités nationales. Nous voulons
soigner notre pays malade, pour reprendre l’expression de notre héros Dr
Denis Mukwege, afin que le viol ne soit plus utilisé comme arme de guerre.
Nous veillerons à ce qu’aucun enfant congolais ne dorme le ventre affamé, que
tous les enfants aillent à l’école gratuitement, qu’un journaliste ne soit
pas arrêté tout simplement parce qu’il a osé dénoncer le manque
d’infrastructures, d’eau potable et d’électricité dont souffre la population
de sa province et reproché au gouvernement provincial de ne pas avoir
respecté ses promesses de développement. C’est ce qui est arrivé au
journaliste congolais Luron Libono, détenu depuis le 4 décembre dans la
province de l’Equateur.
En guise de conclusion, quel message aurez-vous à lancer au
peuple congolais, aux peuples du continent africain et au reste du monde qui
a les yeux braqué sur la RDC?
Ayons
confiance envers et contre tout et unissons-nous pour bâtir justement «un
pays plus beau qu’avant», car l’avenir du Congo est beau.
PROPOS RECUEILLIS PAR RODRIGUE FÉNELON MASSALA, JOURNALISTE GRAND REPORTER |
Parce que votre point de vue compte.J’ai créé ce blog pour partager avec vous tout ce qui se passe dans le monde, spécialement dans mon pays la République Démocratique du Congo.
mercredi 11 février 2015
Angèle Makombo livre son opinion sur l’actualité congolaise au journal Les Afriques
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Il est finalement publié ce calendrier tant attendu mais malheureusement, non consensuel, irréaliste et incohérent. On ne doit pas non plus le rejeter totalement. La Ceni quoique détentrice du pouvoir légal d’arrêter le calendrier électoral aurait dû consulter les acteurs politiques et ceux de la société civile à l’effet de rechercher un minimum de consensus. Ce calendrier a mis beaucoup de choses pour le rendre indigeste, pour obtenir le glissement.
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