mercredi 29 juillet 2015

PAYER L’IMPÔT ? OUI ! MAIS AU PROFIT DE QUI ?



Panneau publicitaire
Quand je circule dans les rues de Kinshasa, même dans nos provinces, je suis frappée par les nombreux panneaux publicitaires dont les thèmes rappellent aux citoyens de mon pays, un de leurs devoirs civiques, celui de payer les impôts. A chaque fois mon premier réflexe est de me poser la question sur la destination de cet argent. En effet, on ne perçoit quasiment pas l’impact de cette masse d’argent, récoltée tous les mois, voire tous les jours, dans notre environnement.

Une opacité ahurissante

 Plus encore, en matière du prélèvement des impôts/patentes et taxes, il règne au Congo
Panneau publicitaire pour rappeler aux citoyens
leur devoir civique
-Kinshasa, une opacité ahurissante à vous faire dresser les cheveux de la tête. J’en ai pour preuve qu’en rédigeant ces quelques lignes, je tenais à avoir des données précises sur la taxation de la bière au Congo-Kinshasa et bien toutes mes recherches ont été vaines. Par contre, c’est très facilement que j’ai pour savoir qu’en France les bières sont taxées à hauteur de 7,38 € par hectolitre et par degré alcoométrie. Et plus proche de nous, au Cameroun, la loi des Finances 2015 fixe le prélèvement sur le litre de bière à 143 FCFA (0.24 $) contre 110 FCFA (0.18$) précédemment.
Cette opacité légendaire associée au manque d’impacts visibles sur le terrain ont pour conséquence la démotivation de la population à s’acquitter de ce devoir civique pourtant indispensable au développement du pays.

Une grande masse d’argent dont devrait bénéficier le pays.

Un bureau du Direction Générale des Recettes de Kinshasa:
sur le mur de la clôture, le rappel au devoir civique
Je vais illustrer mes propos par deux exemples, celui de la bière pour continuer sur ma lancée et celui du marché central de Kinshasa.
Selon des données statistiques du FMI[1] la production de boisson en République Démocratique du Congo s’élevait en 2007 à 295.000.000 litres pour la bière et à 130.000.000 litres pour les boissons gazeuses. Si, à ces quantités, l’on applique des taux de prélèvement semblables à ceux appliqués au Cameroun, l’on se rend compte que les sommes sont colossales et représentent une grande masse d’argent dont devrait bénéficier le pays.
Le cas de la gestion des taxes du Marché Central de Kinshasa est encore plus spectaculaire. Principal centre d’approvisionnement pour la population de Kinshasa, ce marché possède environ 15.000 vendeurs. Pour la bonne marche des affaires du Marché Central de Kinshasa, l’autorité urbaine a fixé les taxes suivantes pour la réglementation des vendeurs : taxe sur la location de table, taxe d’expertise sur l’abatage de petit bétail, taxes sur les latrines publiques, sur le revenu locatif des immeubles appartenant à la ville/Marché de Kinshasa, location dépôt, taxe sur restaurant, participation sur l’assainissement du Marché, taxe sur parking et fiche d’occupation annuelle et participation au payement de la facture consommation eau et électricité. Les prix varient selon les différentes catégories des taxes.
Mais en dehors de ces taxes, il y a aussi d’autres taxes parallèles, payées de façon journalière : patente, taxe d’hygiène, taxe de finance, de l’économie, d’entreposage, de la police, d’étalage. Ces taxes varient de 100 à 500 FC et sont payées par les vendeurs chaque jour. Il suffit de multiplier ces montants par le nombre de vendeurs (environ 15.000), puis par multiplie par le nombre de jours 365 pour se rendre compte de la masse d’argent qui une fois de plus prend une direction qui n’a rien à voir avec le Trésor public. Résultat, l’insalubrité persistante dans laquelle se trouve l’environnement du marché central de Kinshasa et les mauvaises conditions de vente sur ce grand marché de Kinshasa.

Comment voulez-vous que la population congolaise soit encouragée à payer ces taxes.

Marché central de Kinshasa (photo : Radio Okapi) 
 Dans un tel contexte, comment voulez-vous que la population congolaise soit encouragée à payer ces taxes. Lesquelles n’impacte nullement sur leur quotidien mais servent plutôt à engraisser une certaine catégorie de Congolais.
A ces deux cas, nous pouvons ajouter la taxe spéciale sur la circulation routière ainsi que les tracasseries sur toutes nos voies d’évacuation des produits agricoles. Dont nous avons parlé précédemment. Si au moins ces taxes (dont certaines ne disent pas leur nom) engendraient une réhabilitation et surtout un entretien permanent de nos pistes de desserte agricole, nous pourrions TOUS être encouragés à les payer.
Mais hélas, la RD Congo ressemble à un tuyau d’arrosoir qui a beaucoup de fuites, ainsi la quantité d’eau qui arrive à destination (bout du tuyau) est de très loin inférieure à la quantité initialement entrée dans le même tuyau. Un tel état des choses, ne contribuera jamais au développement de notre pays car en plus, la faible quantité d’eau qui arrive au bout est l’objet d’une mauvaise gouvernance.
Une fois de plus, nous terminons notre message par un appel à nos gouvernants. Ils doivent bien comprendre qu’un bon dirigeant est celui qui ne gère pas le Trésor Public comme sa poche. Un bon dirigeant est transparent et rempli son devoir de redevabilité car gouverner c’est aussi rendre compte. Au peuple Congolais, nous disons qu’un bon citoyen paye l’impôt tout en exigeant régulièrement des comptes à ses élus quant à l’évolution exact de l’assiette fiscale de l’Etat et de la manière dont sont effectuées les dépenses de l’Etat.



[1] Rapport du FMI n°10/11, mars 2010.

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