mercredi 11 février 2015

Angèle Makombo livre son opinion sur l’actualité congolaise au journal Les Afriques


Avec son franc-parler habituel, Angèle Makombo, Présidente nationale d’un parti politique de l’opposition dénommé la Ligue des Démocrates Congolais (LIDEC), dans une interview accordée le 12 décembre 2014 au magazine international de la finance africaine Les Afriques, passe en revue plusieurs aspects de l’actualité congolaise. Elle souligne notamment le fait que la parité homme-femme soit malmenée en RDC, comme le prouve la composition du nouveau gouvernement. En effet, c’est une chose d’avoir une Constitution qui affirme la parité, mais l’appliquer en est une autre. La Présidente nationale de la LIDEC donne aussi son point de vue sur la situation actuelle de la RDC, le bilan de Joseph Kabila, la révision constitutionnelle et l’avenir du Congo.

Un gouvernement pléthorique, faisant fi de la parité»
Les Afriques
Hebdomadaire international


15-12-2014 
Interview d’Angèle Makombo, présidente nationale de la Ligue des démocrates congolais (Lidec), membre du Conseil économique et social de la RDC, dans laquelle, elle relate, entre autres, un gouvernement d’union nationale, pléthorique qui a été trop attendu, qui a ignoré le concept genre, ainsi que la géopolitique de la RDC, le fait que son pays ne réalise aucun des OMD à un an de 2015, …



Angèle Makombo, présidente nationale de la Ligue des démocrates congolais (Lidec), membre du Conseil économique et social de la RDC
Les Afriques : Après une année d’attente, le gouvernement de cohésion nationale, issu des concertations nationales, a été rendu public le 7 décembre dernier. Quel est votre commentaire? 
Angèle Makombo : Le gouvernement de cohésion nationale s’est fait attendre, trop attendre au point de provoquer un ralentissement des activités économiques dans le pays. Cela dit, il y aurait beaucoup de commentaires à faire, mais je me limiterais à quelques-uns. D’abord, c’est un gouvernement qui va coûter cher aux contribuables et à l’État congolais, car il est pléthorique avec 47 membres, dont 3 vice-Premiers ministres, 2 ministres d’État, 32 ministres et 10 vice-ministres. 

Ensuite, je déplore – et j’ai déjà eu à le dire et l’écrire – que ce gouvernement ne compte que 7 femmes, soit à peine 15% de femmes, ce qui est une violation de notre Constitution. En effet, l’article 14 de notre Loi fondamentale stipule que «La femme a droit à une représentation équitable au sein des institutions nationales, provinciales et locales. L’État garantit la mise en œuvre de la parité homme-femme dans lesdites institutions». En plus, à l’issue des concertations nationales, le président Kabila semblait afficher la volonté de promouvoir la participation politique des femmes. Or aujourd’hui, nous sommes loin des 30% promis ! 

Parmi les 7 femmes dans le gouvernement, il y a trois ministres et 4 vice-ministres. Aucun ministère régalien n’est octroyé à une femme, et c’est d’ailleurs une régression, par rapport au précédent gouvernement, dans lequel le ministère de la Justice était décerné à une femme. La plupart des femmes congolaises sont déçues et indignées de la manière dont la parité homme-femme est malmenée en RDC, alors que dans de nombreux pays au monde, y compris dans notre sous-région de l’Afrique centrale, un nombre significatif de femmes sont représentées à tous les niveaux de prise de décision. 

Et puis, je suis étonnée de l’omission des affaires sociales. Pourquoi n’y a-t-il pas de ministre des Affaires sociales dans le nouveau gouvernement ? C’est incompréhensible étant donné la demande sociale criante dans notre pays. 

C’est aussi un gouvernement où la «géopolitique», comme nous aimons à le dire au Congo, ne semble pas avoir été prise en compte. En effet, de nombreux Congolais regrettent que les 11 grandes provinces que compte la RDC ne soient pas représentées de façon équitable dans le nouveau gouvernement. Deux provinces par exemple, à savoir le Katanga et le Bandundu, ont décroché la part du lion, obtenant de nombreux portefeuilles ministériels et non des moindres, alors que le Bas-Congo estime ne pas être représenté au gouvernement. D’où des frustrations, déjà perceptibles, qui risquent de mettre à mal la cohésion nationale, tant recherchée. 

Que représente pour vous la présence de 7 membres issus de l’opposition au sein de ce nouveau gouvernement? 
La participation de l’opposition dans le nouveau gouvernement est une suite logique des concertations nationales auxquelles j’avais d’ailleurs participé activement en tant que membre de l’opposition et leader de mon parti politique, la Ligue des Démocrates Congolais (Ndlr : Lidec). Cette suite logique implique la mise en œuvre des recommandations des concertations nationales, parmi lesquelles figurait la formation d’un gouvernement de cohésion nationale auquel devaient prendre part la majorité, l’opposition et la société civile. À propos, d’où vient le chiffre de 7 membres de l’opposition que les médias internationaux semblent avoir repris presque à l’unisson? L’opposition, à savoir l’opposition dite républicaine (Ndlr : O.R), le MLC et leurs alliés, compte, à ma connaissance, plus d’une quinzaine de membres dans le nouveau gouvernement. 

Dites-nous, Madame, comment se porte la RDC actuellement ? 
Compte tenu de nos énormes richesses naturelles et autres potentialités, ainsi que notre force démographique, le dynamisme et l’ingéniosité de nos populations, surtout les jeunes, la RDC devrait mieux se porter. Malheureusement, ce n’est pas encore le cas. A cet égard, il est paradoxal et affligeant qu’un pays doté de tant de richesses comme le nôtre ait 75% de sa population vivant dans une extrême pauvreté. Avec tous les indicateurs de développement humain au plus bas, la RDC est classée 186ème sur 187 pays pour l’Indice de développement humain (IDH) 2014. 

Toutefois, je reconnais que des progrès non négligeables ont été réalisés, notamment en matière de paix et de sécurité, avec la réunification du pays et la fin de la guerre, et dans le domaine économique, avec les résultats macroéconomiques positifs que nous connaissons. Mais le revers de la médaille, c’est notamment la terreur et les massacres de nos populations ainsi que les viols massifs des femmes et même des enfants qui perdurent surtout à l’est du pays. C’est la lenteur de la mise en œuvre de la réforme du secteur de sécurité. C’est l’absence de l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire. C’est la persistance d’une corruption endémique et d’une mauvaise gouvernance dans les finances publiques et nos secteurs productifs. C’est l’insuffisance des infrastructures routières et sociales. C’est l’état calamiteux des routes de desserte agricole. C’est un déficit social énorme et une pauvreté criante de nos populations. C’est aussi une parité homme-femme malmenée, comme j’ai déjà eu à le dire. Comme vous le savez, 2015 marquera la date butoir pour la réalisation des huit Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) fixés en 2000. Malheureusement, selon d’ailleurs notre Ministère du Plan, aucun des OMD ne sera réalisé par la RDC à cette date butoir. 

La RDC affiche un taux de croissance de 9%, n’est-ce pas le signe d’une reprise de l’activité économique du géant de la région? 
Certainement, c’est un signe d’une reprise de l’activité économique de la RDC, mais «on ne mange pas la croissance», comme disent certains de mes compatriotes. Cette croissance à 9% tirée essentiellement par la dynamique du secteur minier, peu créateur d’emplois, ne profite pas à la population. Aussi, cette croissance ne suffit pas à elle seule à réduire la pauvreté et à baisser le chômage, dont le taux est parmi les plus élevés d’Afrique, soit plus de 50% de la population active. Or, quelle est la finalité ultime de l’économie sinon d’assurer le bien-être des populations? 

Nous sommes à deux ans de la fin du mandat constitutionnel de Joseph Kabila. Quel regard portez-vous sur son bilan à la tête de la RDC? 
Des progrès ont été réalisés, c’est indéniable et je viens d’en parler, mais je suis convaincue que la RDC aurait pu mieux faire et faire moins lentement, compte tenu des atouts majeurs que possède notre pays. 

Êtes-vous pour ou contre la modification de l’article 220 pour permettre à Joseph Kabila de remplir un 3ème mandat? 
Je suis pour le respect de la Constitution, toute la Constitution, rien que la Constitution. Pas de modification de l’article 220. 

Comment analysez-vous les propos de François Hollande et de Barack Obama qui appellent les chefs d’État Africains, en fin de mandat, à respecter leurs Constitutions respectives? 
Ma position sur cette question est claire, comme je viens de vous le dire. Pas de révision constitutionnelle pour modifier la durée du mandat présidentiel. J’ai d’ailleurs eu à réaffirmer ma position au cours de la table ronde sur les révisions constitutionnelles sur les deux rives du fleuve Congo, organisée en marge du Sommet États-Unis/Afrique, à Washington en août 2014. Les propos des présidents Obama et Hollande ne disent pas autre chose. 

Quelle est la position de votre formation politique sur la question du calendrier électoral et du changement du mode de scrutin de désignation du président de la République? 
Mon parti la Ligue des démocrates congolais (Lidec) exhorte la Commission électorale nationale indépendante (CENI) à élaborer et publier le plus rapidement possible un calendrier global et consensuel pour fixer l’opinion congolaise et permettre, entre autres, à nos partenaires de lever des options appropriées pour nous appuyer dans l’organisation d’élections libres, transparentes et crédibles. Quant au mode de scrutin pour la désignation du président de la République. Encore une fois, je suis pour le respect de la Constitution qui, dans son article 70, stipule que «le président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois». 

En termes de projet politique, quelle alternative proposez-vous à la RDC? 
Nous voulons bâtir «un pays plus beau qu’avant» où régneront la paix et la sécurité, l’Etat de droit et la démocratie, la bonne gouvernance, la justice sociale, la lutte contre la corruption, moins de pauvreté et de faim, et où la santé, l’éducation, le développement de l’agriculture, l’eau et l’électricité, seront réellement des priorités nationales. Nous voulons soigner notre pays malade, pour reprendre l’expression de notre héros Dr Denis Mukwege, afin que le viol ne soit plus utilisé comme arme de guerre. Nous veillerons à ce qu’aucun enfant congolais ne dorme le ventre affamé, que tous les enfants aillent à l’école gratuitement, qu’un journaliste ne soit pas arrêté tout simplement parce qu’il a osé dénoncer le manque d’infrastructures, d’eau potable et d’électricité dont souffre la population de sa province et reproché au gouvernement provincial de ne pas avoir respecté ses promesses de développement. C’est ce qui est arrivé au journaliste congolais Luron Libono, détenu depuis le 4 décembre dans la province de l’Equateur. 

En guise de conclusion, quel message aurez-vous à lancer au peuple congolais, aux peuples du continent africain et au reste du monde qui a les yeux braqué sur la RDC? 
Ayons confiance envers et contre tout et unissons-nous pour bâtir justement «un pays plus beau qu’avant», car l’avenir du Congo est beau. 

PROPOS RECUEILLIS PAR RODRIGUE FÉNELON MASSALA, JOURNALISTE GRAND REPORTER

1 commentaire:

  1. Il est finalement publié ce calendrier tant attendu mais malheureusement, non consensuel, irréaliste et incohérent. On ne doit pas non plus le rejeter totalement. La Ceni quoique détentrice du pouvoir légal d’arrêter le calendrier électoral aurait dû consulter les acteurs politiques et ceux de la société civile à l’effet de rechercher un minimum de consensus. Ce calendrier a mis beaucoup de choses pour le rendre indigeste, pour obtenir le glissement.

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