Angèle Makombo salue le Président Tshisekedi |
"Elle crève
l’abcès. Dans une analyse pointue, la Présidente de la LIDEC et Déléguée
au Dialogue, reprend, ici, les grandes péripéties de l’histoire récente
des événements douloureux qu’a connus la RD. Congo. Elle revient, à sa
manière, sur les tentatives de réponse, les ratés et, s’il y a lieu, les
rares acquis. Elle fustige, en même temps, le déficit de la
participation des femmes dans tous les enjeux. Scrutant l’avenir, devenu
flou, à la lumière de tous les tâtonnements, elle se
demande où va, finalement, la RDC et son peuple. Sur quels rails veut-on
les engager ? Très préoccupée, elle place la classe politique congolaise,
quelles que soient les tendances ou sensibilités, dans l’obligation de
sortir de l’ankylose ou, à la limite, de la politique du cercle vicieux,
et de s’assumer pleinement face à ce qui apparaît, désormais, comme des
vrais défis : le dialogue, la paix, l’unité du pays, la
consolidation
de la démocratie et du pluralisme, la protection des
libertés individuelles et collectives, le respect des lois et de la
Constitution, la tenue des élections transparentes, la
reconstruction et le développement. Décidément, Angèle Makombo crie sur
le toit de la maison."
RDC : où
allons-nous ?
Plus rien ne pouvait encore arrêter les manifestants image rfi.fr |
Année 2015, les 19, 20
et 21 janvier : répression sanglante des manifestations dans plusieurs villes du pays contre le projet
de loi électorale censé subordonner la tenue des élections au recensement de la
population, et entrainer le report de l’élection présidentielle initialement
prévue en novembre 2016. Bilan de cette répression à Kinshasa, selon
la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) : 42 morts et de
nombreux blessés. Un jeune militant de notre parti politique, la Ligue des
Démocrates Congolais (LIDEC), victime d’une balle perdue dans la commune
populaire de Ngaba, fait partie des blessés.
Année 2016, les 19 et 20 septembre, nouvelle
répression ! Cette fois-ci, il s’agit de manifestations du
Rassemblement des forces politiques et sociales acquises au changement
d’Etienne Tshisekedi, menées à travers le pays pour exiger de la Commission
électorale nationale indépendante (CENI), la convocation du corps
électoral pour l’élection présidentielle. Bilan de ces deux jours de
violence meurtrière à Kinshasa, selon Human Rights Watch : 44 morts dont
37 personnes tuées par les forces de sécurité, et 7 policiers morts dans les
affrontements avec des manifestants; 32 morts selon la Police Nationale
Congolaise. A cela, s’ajoutent de nombreux blessés et des dégâts
matériels considérables: plusieurs sièges ou bureaux des partis
politiques incendiés, des écoles brûlées, des résidences privées et des
commerces pillés et saccagés, des véhicules calcinés ou caillassés,
Des morts, encore des
morts
Un siège de parti politique incendié |
Pourquoi faut-il des morts, encore des morts,
pour une marche de protestation politique dans notre pays ? Et,
parmi ces compatriotes innocents qui succombent, nombreux sont ceux qui
sont touchés par des balles réelles tirées à bout portant par certains éléments
des forces de sécurité. Je voudrais rappeler, ici, l’appel
pathétique que nous avions lancé aux autorités congolaises,
lors d’un meeting politique de notre parti, le 7 février 2015 à
Ngaba, suite aux évènements tragiques de janvier : « Plus jamais
ça! », plus jamais des forces de l’ordre tirant à balles réelles sur la
population ! Rien n’y fait, les balles continuent à crépiter lorsque les
Congolais usent de leur droit constitutionnel de manifester. Les pouvoirs
publics ont, pourtant, l’obligation de garantir ce droit.
Œil pour œil, dent
pour dent
Le 19 septembre 2016 dernier au soir,
les sièges ou bureaux de certains partis politiques sont incendiés. Il s’agit
du RCD, CNC, ARC, ATD et PPRD. Est-ce un hasard ? Certainement pas. Ces
partis ont un point commun : leurs leaders ont accepté de participer au
dialogue facilité par Edem Kodjo à la Cité de l’Union africaine à Kinshasa. Le
lendemain, c’est œil pour œil, dent pour dent : les sièges de l’UDPS, du
MLP, des FONUS et de l’ECIDE sont mis à feu. Ce n’est pas non plus un
hasard : ces partis politiques membres du Rassemblement, ne participent
pas au dialogue et ont récusé le Facilitateur Edem Kodjo, qu’ils accusent de
partialité en faveur du Président Kabila. Ces attaques ciblées contre les
partis politiques précités ont donc tout l’air d’une réponse musclée du berger
à la bergère.
A la LIDEC, parti politique de l’opposition,
nous condamnons fermement toute forme de violence d’où qu’elle
La violence prend une tournure noire Photos wordpress.com |
vienne et
demandons que toute personne coupable d’un acte répréhensible soit sévèrement
punie. Nous pleurons nos compatriotes tombés pour défendre la Constitution,
mais déplorons la violence aveugle perpétrée par certains jeunes gens manipulés
et désorientés. Les meurtres de policiers brûlés vifs, les scènes de pillage,
les destructions méchantes auxquelles nous avons assisté ou avons été victimes,
ne relevaient pas d’un soulèvement populaire pour la défense de la Constitution
mais bien, du lot d’actes criminels et de vandalisme. Et ces exactions
reflètent un manque criant de civisme et d’empathie au sein d’une
population congolaise meurtrie, frustrée et appauvrie du fait d’une
gouvernance inefficace du pays.
Qui donc conseille le
Président Kabila ?
Suite à une telle tragédie, le peuple
congolais était en droit de s’attendre à une déclaration télévisée ou
radiodiffusée du Chef de l’Etat. Mais qu’avons nous eu à la place ? Après
deux jours d’un silence déconcertant, nous avons eu un simple communiqué de la
Présidence de la République, signé par le Directeur de cabinet du Président et
lu par un journaliste sur la chaîne de télévision nationale dans lequel le
Président présente ses condoléances aux familles éprouvées, blâme l’opposition
pour les violences et appelle à l’apaisement. Présenter des condoléances
par communiqué ? Comment interpréter cela ? Qui donc conseille le
Chef de l’Etat?
A qui profite le
crime ?
Autre question : à qui profite le
crime ? Il n’aura, en effet, échappé à personne que ces deux
jours de violence meurtrière ont abouti au blocage persistant du dialogue. Etait-ce
l’un des buts poursuivis ? Si oui, c’est hélas réussi! La Commission Episcopale
Nationale du Congo (CENCO) a suspendu sa participation au dialogue politique
depuis le 20 septembre, pour faire le deuil des personnes tuées et par
solidarité avec les familles éprouvées ainsi que le peuple congolais, et pour
rechercher un consensus sur l’accord politique censé sanctionner la fin des
travaux du dialogue. Les représentants de la société civile et les
délégués de l’opposition ont également suspendu leur participation au
dialogue pour les mêmes raisons. La CENCO a demandé que certaines exigences
soient prises en compte dans le projet d’accord politique élaboré par le
Facilitateur notamment, une disposition stipulant que l’actuel Chef
de l’Etat, le Président Kabila, ne sera pas candidat à la prochaine élection
présidentielle à organiser, dès que possible ; et l’inclusion des
dates précises des élections dans l’accord en question.
Le dialogue nécessaire
pour baliser la voie à des élections apaisées
La LIDEC, qui a toujours fait preuve d’une
remarquable constance, avait dit « oui » au dialogue, mais pas
n’importe lequel (lire mon article intitulé « Un dialogue pour quoi
faire ? » paru dans le quotidien kinois La Prospérité du 11 juin
2015). Nous continuons à dire « oui » au dialogue et participons au
Dialogue en cours à la Cité de l’Union africaine. Car «Avec la violence,
on s’entretue sans issue. Avec le dialogue, on se chamaille pour
déboucher sur une solution », et parce que « le dialogue est
plus que jamais nécessaire pour baliser la voie à des élections apaisées »
(Sam Bokolombe Batuli).
Aussi, osons-nous espérer que les
consultations en cours pendant la suspension du dialogue permettront de dégager
« un consensus le plus large possible qui puisse mener
à la tenue d’élections crédibles et transparentes dans les meilleurs délais et
dans le respect, à la fois, de la Constitution et de la volonté de
la population », comme l’a déclaré, le 26 septembre, l’Ambassadeure du Canada
en RDC, Ginette Martin, après la rencontre d’un groupe d’ambassadeurs de
l’Union européenne, du Canada et des Etats-Unis accrédités à Kinshasa avec le
Facilitateur du dialogue, Edem Kodjo.
Espérons aussi que la récusation d’Edem Kodjo par le Rassemblement sera levée.
Car, croire que remplacer le Facilitateur actuel suffirait à relancer le
dialogue est un leurre. A cet égard, il convient de rappeler que les hommes
politiques congolais ont souvent renié les facilitateurs de nos crises
antérieures. Avons-nous oublié ce qu’ils disaient, par exemple, de
l’ancien Président sénégalais Abdoulaye Wade, de l’Algérien Lakhdar
Brahimi ou de l’ancien Président botswanais Ketumile Masire? S’agissant
de Said Djinnit, évoqué récemment par Didier Reynders, Vice-Premier Ministre et
Ministre belge des Affaires étrangères, on se souviendra que M. Olivier
Kamitatu, Président de l’ARC, parti politique membre du G7, avait tweeté
l’an dernier : «La nkurunzization à pas lents de la RDC... Avec
Saïd Djinnit en prime! On prend les mêmes et on recommence».
Les femmes congolaises
n’ont pas droit au chapitre
Le mot de la fin ? Je suis convaincue que
nous n’en serions peut-être pas là si les femmes congolaises avaient droit au
chapitre. La crise actuelle en RDC, créée de toutes pièces par des
hommes, orchestrée par des hommes, gérée par des hommes, était évitable. Les
femmes congolaises ne l’ont pas voulue et n’ont pas recouru à des actes de
violence, pour lesquels, d’ailleurs, l’ONU demande une enquête
indépendante ; mais lorsque l’on recherche les voies et moyens pour
mettre fin à cette crise, elles sont systématiquement
ignorées !
Angèle MAKOMBO
Présidente Nationale
de la Ligue des Démocrates Congolais (LIDEC)
Déléguée
au Dialogue politique national
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